Kim Courtney ☼ When the sun shines, I stay in the shadow

The call

The beginning

Toutes les histoires commencent de la même façon. Un nouveau-né crie et cette note aigue est la première de toute une partition. Évidemment, on ne naît pas tous égaux. Certains ont des parents riches, d’autres pauvres, quelques parents sont aimants contrairement à ceux qui ne désiraient pas d’enfants. Ce ne sont que des facteurs, des bémols et des dièses qui annoncent le ton de la mélodie. La mienne n’a pas commencé comme les autres parce qu’il n’y a pas une mais deux mélodies. Ma partition était vouée à se jouer à quatre mains et celle-ci, contrairement à la plupart, n’avait pas qu’un nom et j’ai toujours pensé qu’il en resterait ainsi. Le 22 novembre, il y eut d’abord un cri, aigu, strident et entrecoupé, j’avais commencé la partition seule mais pas pour longtemps. Un deuxième cri a suivi, si semblable au mien mais si différent. J’avais donc un frère jumeau qui n’était pas prévu et la musique de Courtney s’est modifiée en la musique de Courtney & Matthew.

It started out as a feeling

Un duo parfait, une harmonie sans fausse note. Tout était en place pour une mélodie parfaite. Un père inexistant, une mère dépassée par la situation et on obtient le ton parfait pour des jumeaux qui se soutiennent et s’entraident dans les difficultés. Nous étions loin d’être riches, nous devions nous contenter d’une mélodie modeste mais qui, malgré sa simplicité, ne manquait pas de charme. Notre mère faisait de son possible et cumulait les boulots pour subvenir aux besoins de ses deux enfants. Nous vivions seuls, sans aucunes informations sur notre père. Enfin, presqu'aucune. Nous portons son nom de famille, notre mère avait toujours des contacts avec notre géniteur et il a été de ce fait mis au courant de notre existence. Il a eu l'idée de nous reconnaître et c'est de là que nous avons reçu la seule chose qu'il nous aie jamais offerte. Nous n'avions jamais vu son visage, nous ne savions même pas son prénom mais nous portions son nom de famille. Contrairement à Matthew, je n’avais aucune envie de savoir qui il était, je vivais pour le futur et lui se concentrait sur un passé que nous n’avions même pas connu. Il jouait en mineur alors je m’efforçais de jouer en majeur et nous nous complétions ainsi.

Pick a star on the dark horizon and follow the light

Grandir ensemble, c’est connaître tout l’un de l’autre, la moindre épreuve, le moindre bonheur. Être liés comme nous l’étions signifiait tellement de choses. Ce n’était pas que de l’amitié, ce n’était pas qu’un lien de sang. Nous savions tout ce que l’autre ressentait sans même qu’il ait à parler. Les silences étaient les instants de notre musique que nous chérissions le plus. Notre enfance était des plus banales, tout en étant extraordinaire. Nous allions à l’école ensemble et nous faisions tout ensemble. Nous n’avions pas d’amis, nos professeurs nous critiquaient souvent pour cela mais nous n’y faisions pas attention car nous méprisions les autres tant nous étions bien ensemble.
13 parfaites années sont rapidement passées et tout a changé radicalement quand nous avons reçu la lettre. Nous avons appris que nous n’étions pas comme tout le monde, que nous n’étions pas qu’humains. Notre mère n’a pas eu d’autres choix que de nous expliquer la vérité avec cet air las qui la caractérisait. Notre père était sorcier –j’utilisais toujours le passé pour parler de lui, préférant le voir comme mort- et la « logique » était que ça faisait de nous des sang-mêlé. Nous devions donc rejoindre l’école de magie de Poudlard, loin de Londres, loin de notre mère, loin de notre vie. Cette lettre a chamboulé notre vie et je me rappellerais toujours du regard triste de notre mère et de celui troublé de mon frère. La mélodie se modifiait déjà mais nous ne voulions pas nous en rendre compte, je ne voulais pas le voir.

No need to say goodbye

Les deux premières années que nous avons passées à Poudlard préparait les années suivantes. Dès notre entrée dans cette école qui nous semblait irréelle, nous avons subis des changements que j’ai haïs. Alors que mon frère a rejoint la maison Gryffondor, j’ai rejoint celle de Poufsouffle. Notre mélodie a pris une tournure inattendue et l’harmonie qui nous apaisait et nous liait s’est essoufflée. Matthew était si doué, je n’en menais pas large avec nos nouvelles compétences. Un fossé se créait, notre duo sonnait faux. Mais nous faisions comme si de rien n’était. Il m’aidait, je l’admirais. Il me parlait sans cesse de notre père qui devait être un grand sorcier alors que je tentais de m’intéresser à nos nouveaux cours. Tout lui réussissait mais rien ne lui convenait, rien ne suffisait jamais. Nous ressentions notre dissonance, elle nous séparait chaque jour un peu plus et je mourrais de peur de vivre sans lui.
Je voyais Matthew comme la seule famille qui me restait. Lui n’avait pas le même point de vue et notre dissonance s’est transformée en une rupture. Il pensait encore à notre père et nous avions 15 ans quand ma mélodie modeste s’est transformée en une série de notes sans sens. Il est parti en ne me laissant qu’une lettre en guise d’adieu, ou d’au-revoir selon lui. Ce mois-là était glacial et pas que parce que nous étions en décembre mais aussi parce que je suis moi-même devenue plus froide.

You’ll come back when it’s over

Je suis restée à Poudlard pendant 7 ans après ça. 7 longues années où j’ai appris à vivre avec la moitié de moi-même. Tout le monde autour de moi savait composer sa mélodie avec une aisance prodigieuse alors que de mon côté, je n’y arrivais plus. Il manquait des portées à ma partition et je ne l’ai plus jamais écrite. Je n’avais aucun ami, après 15 ans à vivre dans une bulle d’harmonie, je ne me sentais pas capable de créer d’autres harmonies.
Ma mélodie s’est transformée en requiem. Une partition à jouer seule, sans l’aide de personne, sans avoir besoin de personne. J’ai réussi laborieusement chaque année, parvenant à me hisser jusqu’à ma 9ème. Je pensais devoir porter ma douleur toute ma vie, je m’imaginais que ça serait déjà assez, que je ne devrais pas subir plus que de perdre une partie de moi-même. Mais ma mère est morte et j’étais seule à son enterrement. Un long silence a frappé ma chanson chaotique. Le silence de la mort. Elle m’avait quitté à son tour, morte de fatigue, morte d’une maladie qui la rongeait depuis notre naissance sans que je ne le sache. Je me voyais comme orpheline mais la vie a décidé de me prouver le contraire.

Now we’re back to the beginning

Je suis arrivée en Corée pour commencer ma 9ème année. Un mois après le décès de ma mère, j’avais finalement pris la décision de quitter le pays. Mon père n’était pas mort, il était juste resté là où ma mère l’avait rencontré. Il avait eu une famille, des enfants peut-être mais je n’en savais pas plus en arrivant dans ce pays inconnu. Je n’avais pas envie de connaître celui qui ne nous avait jamais aimé, qui n’avait pas assez aimé notre mère. Je ne voulais pas lui ressembler en le rencontrant et en arrivant en Corée, j'ai tout fait pour être l'opposé des coréennes même si je dois éclaircir mes cheveux et mettre des lentilles. Je n'avais même pas envie de rejoindre cette famille que je ne connaissais pas mais je voulais retrouver mon frère. Si lui avait disparu pour retrouver notre père, c’est en rejoignant celui-ci que j’aurais le plus de chance de retrouver Matthew, de retrouver cette mélodie que j'ai perdue depuis trop longtemps...