I need you, sister [pv Kim Bora]

Les nuits solitaires sont parfois les plus cruelles, quand la pénombre est si noire qu’on pense ne jamais voir le jour se lever et nous sauver de nos insomnies. Cette nuit est une de ces nuits et, cachée sous mes couvertures, je laisse des larmes silencieuses couler sur mes joues et mouiller mon oreiller. Les souvenirs m’envahissent, me rappellent l’absence de ma mère, le manque de mon frère et ma solitude si profonde. Je voudrais rentrer chez moi, en Angleterre, dans ma maison un peu étroite. J’entendrais ma mère rire aux blagues de mon frère et en entrant, je la verrais en train de préparer un repas dans la cuisine et mon jumeau ferait mine de l’aider, assis paresseusement. Je sais que si mes yeux se ferment, je plongerais dans cet idyllique rêve et en sortirais plus triste que jamais. C’est pourquoi, malgré l’heure tardive, mes yeux sont toujours grands ouverts et fixe le plafond que je n’arrive même pas à voir.

Han Byul n’est pas là, je ne sais pas où elle passe la nuit mais la conclusion est la même, il n’y a personne. Depuis que j’ai perdu ma famille, je n’ai plus personne qui puisse me soutenir, me prendre dans ses bras et me dire que ça va aller. Je pensais qu’en venant dans ce pays, mon frère réapparaîtrait comme par magie et me prendrait de nouveau dans ses bras comme s’il n’était jamais parti. Pourtant, il ne m’est jamais revenu et je suis tous les soirs en train d’espérer que le lendemain, un miracle me ferait retrouver la seule personne sur qui je puisse compter.

Saches seulement que lorsque tu en auras envie ou lorsque tu te sentiras prête, je serais là et je serais ravie d'aller échanger avec toi autour d'un bon repas chaud. Et non pas en tant que ta professeur !

Je me redresse dans mon lit et en face de moi, je vois cette femme, cette sœur qui voulait qu’on se rapproche. Son visage presqu’angélique m’apparaît et me sourit. J’hésite, les yeux larmoyants, les joues rouges, et me demande si je fais bien de penser à cette solution. Pourtant, je n’en peux plus d’être seule et je suis au bout du rouleau, il n’y a plus personne, il n’y a plus qu’elle. C’est ainsi que j’ai quitté ma chambre, l’abandonnant dans une pénombre totalement vide. Je n’ai pas pris la peine de m’habiller, enfilant chaussons et peignoir avant de me glisser dans les couloirs pour rejoindre la salle commune des professeurs. Je ne sais pas comment je vais réussir à la contacter face à cette porte close… Je n’ai pas son numéro et soudainement, je me rappelle qu’elle m’a suivie sur Petrifix et retrouve vite son pseudo. Je lui envoie un mp et fixe nerveusement l’écran en attendant une réponse.

Court_ny Hey… Est-ce que vous êtes disponible ? Je sais qu’il est tard mais j’ai besoin de vous… Je suis à l’entrée de la salle commune des professeurs.

C'était, dans la nuit brune, Sur le clocher jauni,
La lune Comme un point sur un i.
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil,
Dans l'ombre, Ta face et ton profil ?
Es-tu l'oeil du ciel borgne ?
Quel chérubin cafard Nous lorgne Sous ton masque blafard ?
N'es-tu rien qu'une boule,
Qu'un grand faucheux bien gras Qui roule
Sans pattes et sans bras ?
Es-tu, je t'en soupçonne, Le vieux cadran de fer Qui sonne
L'heure aux damnés d'enfer ?
Sur ton front qui voyage.
Ce soir ont-ils compté Quel âge A leur éternité ?
Est-ce un ver qui te ronge Quand ton disque noirci S'allonge
En croissant rétréci ?
Qui t'avait éborgnée,
L'autre nuit ? T'étais-tu Cognée
A quelque arbre pointu ?
Car tu vins, pâle et morne Coller sur mes carreaux Ta corne À travers les barreaux.
Va, lune moribonde,
Le beau corps de Phébé La blonde
Dans la mer est tombé.
Tu n'en es que la face Et déjà, tout ridé,
S'efface Ton front dépossédé.
Rends-nous la chasseresse,
Blanche, au sein virginal, Qui presse
Quelque cerf matinal !
Oh ! sous le vert platane
Sous les frais coudriers,
Diane, Et ses grands lévriers !
Le chevreau noir qui doute,
Pendu sur un rocher,
L'écoute, L'écoute s'approcher.
Et, suivant leurs curées,
Par les vaux, par les blés, Les prés,
Ses chiens s'en sont allés.
Oh ! le soir, dans la brise,
Phoebé, soeur d'Apollo, Surprise A l'ombre, un pied dans l'eau !
Phoebé qui, la nuit close,
Aux lèvres d'un berger Se pose, Comme un oiseau léger.
Lune, en notre mémoire,
De tes belles amours L'histoire T'embellira toujours.
Et toujours rajeunie, Tu seras du passant Bénie,
Pleine lune ou croissant.
T'aimera le vieux pâtre,
Seul, tandis qu'à ton front D'albâtre Ses dogues aboieront.
T'aimera le pilote Dans son grand bâtiment, Qui flotte, Sous le clair firmament !
Et la fillette preste Qui passe le buisson, Pied leste, En chantant sa chanson.
Comme un ours à la chaîne, Toujours sous tes yeux bleus
Se traîne L'océan montueux.
Et qu'il vente ou qu'il neige
Moi-même, chaque soir, Que fais-je, Venant ici m'asseoir ?
Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni, La lune Comme un point sur un i.
Peut-être quand déchante
Quelque pauvre mari, Méchante, De loin tu lui souris.
Dans sa douleur amère, Quand au gendre béni
La mère Livre la clef du nid,
Le pied dans sa pantoufle,
Voilà l'époux tout prêt Qui souffle Le bougeoir indiscret.
Au pudique hyménée La vierge qui se croit Menée,
Grelotte en son lit froid, Mais monsieur tout en flamme Commence à rudoyer
Madame, Qui commence à crier.
« Ouf ! dit-il, je travaille, Ma bonne, et ne fais rien Qui vaille;
Tu ne te tiens pas bien. »
Et vite il se dépêche.
Mais quel démon caché L'empêche De commettre un péché ?
« Ah ! dit-il, prenons garde. Quel témoin curieux Regarde Avec ces deux grands yeux ? »
Et c'est, dans la nuit brune, Sur son clocher jauni, La lune Comme un point sur un i.

J'esquisse un sourire en lisant ce poème lourd de sens pour moi. Mais avant de pouvoir poursuivre ma lecture du soir, je sentis mon téléphone vibrer. Surprise, je ferme mon livre un instant et attrape ce petit objet pour regarder ce quoi il s'agit. Quelle ne fut pas ma surprise de voir qu'il s'agissait d'un message privé sur petrifix et qu'il provenait de Courtney. Je le lis sans attendre et lorsque j'eus fini de le lire, je ne pris même pas le temps de lui répondre. Je me lève précipitamment et vais la rejoindre en vitesse devant la salle commune des professeurs. Inquiète, j'espérais qu'il ne lui était rien arrivé. Je passe la porte et la vois alors devant moi.

- Je suis là.

Je me sens stupide à peine ai-je envoyé le message privé et je regrette d’avoir pensé pouvoir compter sur elle. Il est tard, à tous les coups, elle dort déjà ou elle fait mille et une choses plus intéressantes que de s’occuper de sa demi-sœur. Je me sens comme une gamine qui cherche du réconfort parce qu’elle ne trouve pas le sommeil, pitoyable, je suis pitoyable. Je suis venue en pyjama en plus, juste couverte de mon peignoir pour ne pas avoir froid, engloutie dans mes pensées noires, j’ai abandonné toute fierté. Je pince les lèvres, de toute façon, elle ne m’a toujours pas répondu, me prouvant que mon idée de compter pour une fois sur elle était mauvaise. Je tourne alors le dos à la porte, m’apprêtant à partir quand une voix retenti derrière moi, me faisant sursauter. Je découvre Bo Ra derrière moi et ma gorge se serre à ses mots, cette parole si simple rempli mes yeux de larmes et je cache mon visage de son regard en tournant la tête.

-B-bonjour…, ma voix se brise et je toussote un peu en tentant de reprendre contenance, Merci… d’être venue…

Une larme solitaire coule sur ma joue et d’un geste vif mais tremblant, je l’essuie en espérant que la prof n’a rien remarqué. Qu’est-ce que je pourrais lui dire maintenant qu’elle est là ? Que je n’en peux plus d’être tout le temps seule ? Que mon frère et ma mère me manquent à en mourir ? Que je donnerais tout pour, ne serait-ce qu’une nuit, ne pas pleurer sans réconfort ? Je ne peux rien dire de tous ces sentiments, prononcer une de ces pensées sombres à voix haute me ferait éclater en sanglots.

-Désolée de vous déranger alors qu’il est si tard… , murmurais-je simplement en gardant les yeux baissés.

Elle ne me regarde pas. Elle me fuit et je ne peux rien dire face à ça. Je suis venue pour elle mais si elle ne souhaite pas me faire face, je ne pourrais rien lui dire. Je ne pourrais que respecter sa décision. Même si elle venait à regretter son acte et qu'elle se mettait subitement à me fuir. Que pourrais-je faire de toute façon ? Elle ne me considère pas comme sa véritable sœur et je ne peux que la comprendre. Elle voulait sans aucun doute retrouver son frère. Tout comme j'aimerais le retrouver. Mais contrairement à moi, elle a peut-être une chance. Le sien semble encore en vie. Ce que je ne comprends, c'est pourquoi n'ais-je jamais entendu parler de lui. Il est venu en Corée pour retrouver notre père. Mais est-ce qu'il l'a vraiment retrouvé et est-ce que mon père me cacherait son existence ? Est-ce qu'il va bien ce frère dont j'ignore tout mais dont je vois la sœur juste en face de moi en ce moment même ? Je soupire discrètement puis l'entends s'excuser de me déranger. Je relève un peu mon regard et la fixe de nouveau. Je souris légèrement en coin et décide d'aller la prendre dans mes bras.

- Si tu es venue, ce n'est pas pour trouver ta professeur... Je me trompe ? Alors pourquoi est-ce que tu continues à me vouvoyer ? Je ne suis pas si âgée...

Je la maintiens contre moi et doucement, tendrement, je vais tapoter son dos avec l'une de mes mains.

- Et puis, tu ne me déranges pas. Je te l'ai dis. Si tu venais à avoir besoin de moi, je serais là. Bien que ce soit encore un peu étrange à comprendre et à assimiler, je suis ta grande sœur. Tu peux donc compter sur moi.

Elle est là, elle avait lu mon message et, sans prendre la peine d’y répondre, elle m’a rejoint. J’étais touchée par le fait qu’elle soit présente pour moi. Je m’attendais sûrement à ce qu’elle ne lise pas mon message ou qu’elle soit endormie, je pense que je n’avais pas pris en compte la possibilité qu’elle vienne. C’était juste un espoir, celui de savoir que quelqu’un était vraiment là pour moi. Et cet espoir est devenu la réalité. Je ne savais pas vraiment quoi dire parce que je n’avais pas imaginé pouvoir lui parler. Je n’ai pas le temps de trouver quoi faire puisqu’elle fait le premier pas en venant me prendre dans ses bras. Je suis surprise une nouvelle fois, ne sachant pas comment réagir face à cette étreinte. Je pince mes lèvres alors qu’elle souligne le fait qu’elle n’est pas si âgée comme je continue de la vouvoyer et cette remarque me fait un peu rougir, gênée.

-Je… Désolée….

Je souffle ces mots en passant mes bras autour d’elle pour me blottir à mon tour contre elle. Je me sens déjà tellement mieux grâce à ce simple câlin. Elle me dit des paroles réconfortantes et tellement gentilles que mon cœur se serre dans ma poitrine. Elle n’utilise pas le terme « demi-sœur », non, elle me dit qu’elle est ma grande sœur et des larmes silencieuses roulent le long de mes joues alors que je la serre un peu plus fort contre moi.

-Merci… J’ai… J’ai vraiment pas envie d’être seule ce soir…, murmurais-je en agrippant un peu ses vêtements de peur qu’elle ne disparaisse.

Je ne m'attendais pas forcément à une réaction de sa part lorsque j'ai décidé de la prendre contre moi. Alors lorsque j'ai senti ses bras s'enrouler autour de moi, je ne pus m'empêcher de sourire. Je continue de tapoter doucement son dos et nous plonge dans un certaine silence. Je ne dis rien. Je me contente simplement d'être là et de lui montrer par cette étreinte que je suis là pour elle. Comme promis, lors de notre dernier échange. Malgré tout, le silence qui s'installe et qui règne entre nous n'est pas lourd. Bien au contraire. Je dirais qu'il est apaisant et qu'il nous permet à toutes les deux de prendre un peu de recul sur la situation actuelle. Il nous permet de vraiment comprendre ce qu'il se passe et c'est ainsi que je le vois. Je continue de tapoter tendrement son dos et continue de sourire lorsque je la sentis serrer un peu plus son étreinte. Elle finit par rompre le silence et par m'avouer qu'elle ne souhaite pas être seule ce soir.

- Tu n'es pas seule. A partir du moment où tu es arrivée ici, tu n'as plus été seule. Je souris doucement. Est-ce que tu veux qu'on aille dans ma chambre ? On sera tranquilles pour y discuter.

Je la gardais contre moi, lui laissant le choix de prolonger cet instant ou non. Tout comme je décide de lui laisser le choix sur ce qu'on devait faire désormais : aller dans ma chambre ou non. En temps normal, ou même quotidiennement, je ne laisse aucun élève entrer dans ma chambre. Il faut dire que le règlement est strict sur les relations pouvant unir un professeur et un élève. Ce ne serait pas si compliqué pour Soohyuk et moi, sinon. Mais d'un, elle était une demoiselle et de deux, elle était ma sœur. Et puisqu'elle avait besoin de moi, j'étais prête à la faire entrer quitte à devoir rendre des comptes au directeur demain. J'assumerais mes actes pour elle. Elle a besoin de moi et je ne la laisserais pas tomber.

Elle ne fait que me serrer dans ses bras en tapotant légèrement mon dos, cet instant est si simple et n’a rien d’extraordinaire. Pourtant, je sais que j’en garderais un souvenir précieux parce que dans ses bras, mon cœur s’apaise. Je souffre constamment depuis que j’ai perdu mon frère et encore plus depuis que ma mère est également partie. Cette plaie ne parvenait pas à se refermer, c’est pour cette raison que j’ai décidé de venir dans ce pays en espérant pouvoir panser ma douleur. Au lieu d’y retrouver mon jumeau, j’ai trouvé une grande sœur et pour la première fois depuis longtemps, je me sens à ma place. Je lui avoue que je ne veux pas être seule ce soir et elle m’assure que je ne suis plus seule depuis que je suis arrivée ici. Ces mots me font encore chauds au cœur et elle continue avec cette gentillesse en me proposant d’aller dans sa chambre. Je n’en attendais pas autant de sa part, je pensais qu’elle resterait à sa place de professeur qui ne peut pas inviter un élève dans sa chambre. Mais au lieu de ça, elle se comporte comme une grande sœur, je ne pensais pas avoir besoin d’elle et je ne m’étais jamais autant trompée.

-Je… Oui je veux bien qu’on aille dans votre-… ta chambre…, murmurais-je sans pour autant m’éloigner d’elle.

J’ai peur que tout ça ne soit qu’un rêve et que si je la lâche, je me retrouve à nouveau seule. J’arrive à me convaincre qu’elle ne disparaîtra pas et m’éloigne en essuyant d’un revers de manche mes yeux humides. Je lance un petit regard gêné à Bo Ra avant de tenter un petit sourire alors que je lui suis très reconnaissante pour tout ce qu’elle fait pour moi.

-On peut y aller…, soufflais-je alors que je me sens déjà un peu mieux.

Je lui laisse tout le temps dont elle a besoin pour se remettre de ses émotions. J'ignore ce qui a bien pu lui arriver pour qu'elle ait tant besoin de ma présence. Elle m'en parlera peut-être. Ou peut-être pas. Qu'importe. Je respecterais son choix et je ne me montrerais pas intrusive. Je continue de sourire doucement tandis que le silence de la nuit nous enveloppe de plus en plus. Elle finit, tout de même, par me donner sa réponse et je fus contente de la savoir positive. Elle reste cependant accrochée à moi et je ne lui dis rien. Je la laisse, une nouvelle fois, prendre son temps. Nous partirons quand elle le décidera. Ce soir, c'est à moi de m'adapter à elle. J'avais souvent l'habitude à ce que la nuit, quelqu'un vienne s'adapter à mes ressentiments du moment. Auparavant SooHyuk et depuis que je suis professeur, BaRam. C'était assez nouveau pour moi de me montrer présente et à l'écoute pour quelqu'un d'autre. Surtout à une heure aussi avancée. Mais c'est le rôle d'une grande sœur. Bien que je ne l'ai jamais été, je le sais car mon grand frère se comportait ainsi avec moi. Je prends donc exemple sur les souvenirs qu'il me reste de lui. Alors, lorsqu'elle me dit être enfin prête, je passe un bras autour d'elle et la guide sans un bruit jusqu'à ma chambre. Lorsque nous fûmes à l'intérieur, j'allume la lumière et la laisse découvrir mon petit cocon. Les couleurs y sont chaudes et bon nombre de photos sont affichées. Une ambiance chaleureuse y règne. Du moins, c'est mon avis. Et si sa curiosité la pousse à regarder les différentes photos, elle pourra y découvrir des photos de SooHyuk, les garçons et moi lorsque j'étais encore élève à Poudlard. Mais aussi des photos de ma mère et de mon frère disparus. Aucune de mon père, cependant. Sans doute parce que la vérité à son sujet est encore difficile à pardonner.

- Installes-toi sur mon lit, fais comme si tu étais dans ta propre chambre !

Je lui souris tendrement et vais ranger quelques livres à leur place pour que ma chambre paraisse un minimum mieux rangée tout de même. Une fois que ce fut fait, je vais m'asseoir sur mon lit et la regarde.

- Alors... dis-moi tout...

Je finis par me séparer de l’étreinte de Bora avec difficulté. Ça fait si longtemps que je n’avais plus fait de câlin à quelqu’un, ça fait longtemps que je ne m’étais pas sentie réconfortée et entourée. Je ne regrette plus d’être venue et m’éloigne d’elle pour accepter de rejoindre sa chambre. Elle passe un bras autour de mes épaules et me guide jusqu’à sa pièce. Je garde les yeux baissés, même si j’essaye de mettre ma fierté de côté, le fait que mes yeux soient bouffis par les larmes me pousse à vouloir cacher mon visage. Je ne relève les yeux que lorsque nous entrons dans sa chambre et je ne peux pas m’empêcher de regarder un peu partout autour de moi. Il y a de nombreuses photos et dans un si petit espace, une ambiance chaleureuse se dégage et je me détends un peu. Elle m’invite à m’asseoir et je m’exécute sans un mot alors que de son côté, elle range un peu. Je ne dis rien pendant plusieurs secondes comme elle est assise près de moi et continue de regarder autour de moi. Mon regard s’arrête sur des photos de famille de toute évidence et je souris un peu en voyant cette femme qui était sûrement sa mère et ce garçon qui était probablement son frère. Je baisse les yeux sur mes mains et pince les lèvres avant de décider de prendre la parole.

-Je me demande…, ma voix se bloque dans ma gorge et je prends une minute pour reprendre, Je me demande si j’ai bien fait de venir ici… Je n’ai toujours pas retrouvé mon frère et j’ai l’impression de ne jamais avoir été aussi seule…, je me prends la tête entre les mains, Je n’ai jamais eu d’amis, je n’ai jamais eu que mon frère et ma mère et maintenant c’est comme si je n’avais plus rien…

Je lui laisse le temps qu'il lui faut pour me parler et se confier sur ce qui la chagrine tant. Ce doit être relativement important pour qu'elle ait soudainement eu l'envie que je lui tienne compagnie. Il faut bien avouer que nous ne sommes pas les meilleures amies du monde mais pour autant je suis très touchée qu'elle m'ait choisi pour la consoler. Après tout, malgré les cachotteries et blessures que nous a infligé notre père en commun, nous formons une famille. Une famille un peu bancale mais une famille tout de même. Elle se décide, à un moment donné, à parler. Je l'écoute alors attentivement. Je ne l'interromps pas. J'analyse seulement ses mots et les émotions qu'elle transmet en se confiant ainsi, à cœur ouvert. Mais lorsqu'elle se déclare n'avoir plus rien, je ne peux m'empêcher de tiquer et je lui fais une petite tape sur la tête.

- Comment ça tu n'as plus rien ? Et moi, alors ? C'est très blessant ce que tu viens de dire.

Je soupire et croise les bras. Mais je finis par sourire très rapidement, ensuite.

- Pour ce qui te tracasse, j'ai des solutions à t'apporter. Tout d'abord, saches qu'une discussion va avoir lieu entre notre père et moi, dans pas très longtemps. Et je compte lui poser des questions sur ton frère. Peut-être que ton frère l'a déjà contacté et peut-être même qu'ils sont toujours en contact. Mon... enfin je veux dire, notre père est très secret mais je sais qu'il finira par me dire la vérité et c'est tout naturellement que je t'en ferais part si j'apprends la moindre petite chose à son sujet !

Je continue de lui sourire et j'espère que mes mots vont réussir à la rassurer et à l'apaiser.

- Quant aux amis... Je peux t'aider à t'en faire. J'étais plutôt populaire quand j'étais encore élève et j'ai encore de bons amis qui sont toujours élèves. Ils pourraient t'aider à t'intégrer ! Qu'en penses-tu ?

Je finis de lui ouvrir mon cœur et sa première réaction est de me frapper la tête. Je la regarde, surprise, tandis qu’elle me corrige ne m’annonçant que je l’ai blessée puisque je l’ai elle. Je pince mes lèvres alors que je n’aurais peut-être pas du dire ça. Mais c’est mon ressenti et c’est la première fois, finalement, que nous discutons réellement. Je ne sais pas encore vraiment si je pourrais compter sur elle, sur le long terme. Je garde cette pensée pour moi, seul l’avenir me donnera la réponse. Elle retrouve rapidement son sourire avant de me proposer des solutions. Je tourne mon regard vers elle, curieuse, alors que je ne m’attendais pas à ce qu’elle puisse réellement trouver de quoi me réconforter aussi rapidement. Elle m’annonce tout d’abord qu’elle va aura une discussion avec son père, enfin, notre père. Mes yeux s’éclairent un peu comme elle parle de mon frère et j’ai du mal à croire qu’elle pourrait apprendre où est mon frère.

-Tu… Tu crois que mon frère aurait pu retrouver t- notre père ?, c’est tout à fait possible au final, Je ne comprends pas pourquoi Math tenait tellement à le retrouver. Et puis s’il avait réussi, il t’aurait sûrement contactée, il tient tant à connaître toute sa famille…

Quitte à nous abandonner, moi et ma mère. Il ne sait sûrement même pas qu’elle est morte… J’aimerais vraiment qu’elle puisse m’aider à revoir mon jumeau, sans lui, je ne suis que la moitié de moi-même. Elle aborde ensuite le sujet un peu délicat des amis et m’apprend qu’elle était plutôt populaire quand elle était élève. Elle a eu de la chance et en même temps, je ne suis pas surprise, elle est très belle et très gentille, elle a tout pour être appréciée. Je fais tout de même une moue et baisse mes yeux sur mes mains.

-Ce serait vraiment bien mais… Enfin, c’est étrange mais je ne sais pas comment me faire des amis. Tu as dû le remarquer, je ne suis pas très sociale. En Angleterre, je n’étais pas du tout appréciée par les autres élèves.

Elle semble retrouver espoir lorsque je lui parle de ma future discussion avec le paternel. Je souris doucement et acquiesce lorsqu'elle me pose ses questions.

- Je pense, oui. Regardes, tu as bien fini par le retrouver alors que tu ne le souhaitais pas. Alors quelqu'un qui l'aurait vraiment voulu.. Je pense que notre père a seulement eu peur et lui a surement demandé de se faire discret. Car je n'ai jamais entendu parler de lui. Il l'a peut-être mal pris... Car puisque tu es là... Il n'aurait plus aucune raison de le mettre à l'écart... Je hausse les épaules. Nous en saurons plus bientôt.

Je lui fais un petit clin d’œil. J'essaie de me montrer souriante et réconfortante mais elle finit par baisser les yeux. Je comprends alors qu'il y a pire que le sujet famille à aborder avec elle. Il y a le sujet amis. Je souris un peu plus doucement et l'écoute se confier une nouvelle fois.

- Tu sais, être sociable, ça peut s'apprendre. Dis-je, en souriant. Et puis.. tu es ma sœur alors si j'en parle à mon fan-club, tu vas vite te faire plein d'amis un peu étranges. Je ris et secoue la tête. Je plaisante, ne t'inquiète pas. Je ne te laisserais jamais entre leurs mains. Ils font parfois peur ! Je lui souris une nouvelle fois. Tout ça pour te dire qu'il y a toujours une solution. L'une de mes élèves n'avait aucun ami et était constamment exclue. Désormais, elle en possède quelques uns. Grâce au travail que l'on a fait ensemble et surtout grâce à ses efforts et sa confiance en moi.

Et j’espérais que Courtney puisse avoir, un jour, la même confiance en moi.

Quand elle répond à mes questions, je sens une colère monter en moi. Je pince alors les lèvres et baisse une seconde les yeux avant de les ancrer à nouveau dans ceux de Bo Ra qui se montre toujours aussi souriante. Comment fait-elle ? Nous parlons de mon frère mais c’est également le sien et je ne serais pas aussi calme qu’elle en imaginant que mon père puisse m’avoir caché qu’il a rencontré mon demi-frère.

-Il a eu peur ? Mais peur de quoi, enfin ?, soufflais-je entre mes dents, Je ne comprends pas. Math a dû être tellement déçu en rencontrant ton père. S’il était resté chez nous, nous serions toujours à Hogwarts, nous n’aurions pas dû venir en Corée. Je n’avais pas envie de rencontrer ton père, de le connaître, pour moi, je n’ai jamais eu d’autre famille qu’une mère et un frère et ça me suffisait !, je me coupe et reprends ma respiration serrée par les larmes qui remontent à mes yeux.

Après le thème de la famille vient celui des amis. Si j’ai trouvé une famille ici, peu importe que j’en veuille ou pas, je n’ai toujours aucun ami et à mon âge, ça me pèse de plus en plus. Si Math était là, je ne connaîtrais aucun de ces tracas mais je dois faire sans lui pour le moment et ça implique que je suis seule. Sans compter Bo Ra bien sûr. Je lui fais part également de mon manque cruel d’amis et elle m’explique que je peux apprendre à être sociale. Mon frère avait déjà essayé par le passé de me présenter à ses amis mais ça avait été un échec cuisant. Elle me parle de son fan-club et d’amis un peu étrange que je pourrais me faire alors que de mon côté, je l’observe rire et me sourire. De toute évidence, ce n’est pas la première fois qu’elle aide une élève à se faire plus de connaissance et je fronce un peu les sourcils.

-Je croyais que je n’étais pas qu’une de tes élèves…, commentais-je platement, un brin vexée, Ce n’est pas de travail dont j’ai besoin. J’ai besoin d’être moins… moi., je baisse à nouveau les yeux et regarde mes mains, pensive, Je ne voudrais jamais d’amie comme moi, je ne voudrais même pas d’une sœur comme moi. C’est sûrement pour ça que Math est parti.

Il est évident que mes suppositions sur mon père et son frère et leur possible retrouvaille l'a énervé. Je la laisse cracher son venin et reste silencieuse. Il est plus qu'évident qu'elle n'aime pas mon père et qu'elle ne le considère pas comme le sien. Je ne peux pas lui en vouloir mais ce qu'elle dit ensuite sur les uniques membres de sa famille fait mal à entendre mais je ne montre rien. Elle est en colère, je pense qu'elle ne pensait pas vraiment ce qu'elle a dit. Ou du moins, elle n'a jamais pensé au fait que m'exclure ainsi des membres de sa famille pouvait me blesser. J'essaie d'être gentille, réconfortante et présente pour elle mais aussi pour les autres car elle n'est pas la seule à être arrivée dans ma vie. Nous sommes plusieurs, finalement. J'essaie vraiment d'être une grande sœur responsable mais il faut croire que j'ai encore du travail pour pouvoir en être une aux yeux de Courtney. Je décide donc de ne pas la brusquer. La braquer n'est pas non plus une idée. Je ne relève donc pas ses paroles sur mon père et sur sa famille. Nous en reparlerons plus tard, lorsqu'elle sera moins énervée. Mais elle ne semble pas en démordre puisque voilà qu'elle prend mal ce que j'ai pu dire sur Min Ah, ma protégée. Ce n'était pour autant pas péjoratif. Loin de là. Je souffle doucement.

- Tu n'as pas besoin d'être moins toi. Tu as simplement besoin de t'aimer. Voilà pourquoi j'ai parlé de travail. Min Ah a travaillé sur les mêmes choses. Et je pense que vous pourriez vraiment vous entendre, toutes les deux.

Encore une fois, elle se rabaisse et je décide de ne toujours pas relever. Je n'aime pas entendre quelqu'un qui se dénigre mais j'ai peur d'être dans la trop grosse opposition si je décide de lui dire ce que je pense alors je reste simple et directe sur ce que j'aurais aimé qu'elle comprenne. Je veux seulement la voir sourire et s'apprécier pour ce qu'elle est.

Peut-être que c’était une mauvaise idée finalement de venir la voir. Peut-elle vraiment m’aider ? Peut-elle vraiment faire en sorte que je me sente mieux ? J’ai quelques doutes et je me sens à nouveau en colère, je perds mon sang froid et mon calme. Les larmes me remontent même aux yeux mais je les ravale, je ne veux pas me remettre à pleurer devant elle. Je ne réfléchis pas à ce que je dis et aux conséquences de mes paroles, je la blesse peut-être mais je n’en ai pas conscience et je préfère me concentrer uniquement sur ce que je ressens, moi. Elle m’assure que je n’ai pas besoin d’être moins moi et j’ai du mal à la croire. Elle parle à nouveau de Min Ah, apparemment c’est elle l’élève qu’elle a aidée, et me dit même qu’on pourrait s’entendre. Pas très convaincue, je hausse les épaules, ce nom, je le connais et pour cause, j’ai déjà rencontré la fameuse Min Ah.

-Je la connais déjà, j’ai soigné son corbeau alors qu’il s’était blessé. On n’a pas eu grand-chose à se dire…, je jette un coup d’œil à Bo Ra puis baisse à nouveau les yeux, Soit je la mettais mal à l’aise, soit ton « travail » avec elle n’a pas vraiment fonctionné.

Quand j’y réfléchis, c’est l’une des seules élèves à qui j’ai parlé depuis mon arrivée ici –en dehors des courtes interactions en cours évidemment. Ça me rend un peu triste de me faire cette remarque, ici, en Corée, il semble que les étrangers ne soient pas très accueillis.

-Je n’avais pas besoin de m’aimer quand Math était là. Il m’aimait à ma place. Il m’aimait à la place de tous les autres… J’aimerais le retrouver, je pense qu’il n’y a que lui qui pourrait m’aider, je n’aurais plus à chercher à me faire des amis s’il était là !

Je fus assez surprise d'apprendre qu'elle avait déjà rencontré Min Ah. Cela me faisait même sourire mais elle gâcha vite cette joie en me balançant que je faisais fausse route sur l'idée qu'elles puissent bien s'entendre. Je ris légèrement, j'essaie surtout d'accuser le coup et de ne pas trop rire jaune. Ses paroles sont de plus en plus épineuses mais j'ignore si elle s'en rend compte. J'ose espérer qu'elle ne me parlerait pas ainsi si elle se rendait compte qu'elle était de plus en plus blessante. Surtout que j'essaie d'être gentille avec lui malgré mes propres problèmes. Elle a perdu sa mère. Moi aussi. Elle a perdu son frère mais ce dernier est toujours en vie, aux dernières nouvelles. Moi, le mien n'est plus de ce monde malheureusement. Et pourtant, je garde le sourire. J'essaie de m'accrocher. Mais il est clair que ma seule unique raison d'exister et de tenir le coup est SooHyuk. Comparée à moi, Courtney ne semble pas avoir une telle personne à ses côtés, c'est pourquoi j'essaie de me montrer patiente pour lui venir en aide.

- Je comprends ce que tu ressens, mais il est important que tu vives aussi à travers toi et pas seulement à travers Math. Tu comprends ?

Je me pince la lèvre inférieure. J'avais peur que cette remarque la vexe mais pour autant j'avais été sincère en la lui disant. Je souhaite simplement lui faire comprendre l'importance de se faire des amis et d'être acceptée pour ce qu'elle est. Que deviendrait-elle sinon si elle ne retrouvait jamais son frère ou si ce dernier venait à décéder comme le mien ?

Elle m’assure qu’elle comprend ce que je ressens et je réfléchis un peu à ses mots. Est-ce qu’elle peut vraiment comprendre ? Je regarde autour de nous, elle a un père mais il a trompé sa femme et Bo Ra se retrouve avec des demi-frères et des demi-sœurs qu’elle n’a sûrement pas voulus. Sa mère et son frère sont morts. Je pense qu’elle est plutôt populaire et qu’elle a pas mal d’amis. Je pense que c’est ce dernier point qui est l’unique à nous différencier. Je me sens un peu mal, me confier, me plaindre, pleurer puis râler… Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs ce soir et elle ne méritait sûrement pas que je la traite comme ça, que je lui parle comme ça et que je lui confie le fardeau de mes pensées noires. Je ne dis rien pendant de longues secondes, peut-être des minutes. J’essaye de comprendre beaucoup de choses, j’essaye de comprendre comment vivre sans Math, comment me faire des amis, comment cesser d’être si pessimiste. Les larmes me remontent aux yeux mais je les ravale vite et regarde Bo Ra du coin des yeux.

-J’essaye… C’est beaucoup de changements d’un coup, j’essaye de comprendre comment vivre dans cette école, dans ce pays que je ne connaissais même pas avant d’y atterrir. Je m’accroche à l’idée de retrouver Math parce que je n’ai rien d’autre.

Je toussote un peu en me reprenant rapidement.

-Je n’avais rien d’autre.

J’essaye de m’adoucir un peu. J’ai toujours beaucoup de tristesse et de colère en moi mais piquer des crises encore et encore ne sert à rien. Je tente de me calmer, je tente d’avancer un peu et d’écouter ce qu’elle me dit au lieu de me braquer. Je n’ose pas vraiment regarder ma sœur parce que j’ai honte d’être venue dans sa chambre dans tous mes états.

-Je ne comprends pas comment tu peux m’accepter dans ta chambre. J’avoue je pensais que tu ne répondrais même pas à mon message. J’ai toujours voulu avoir une sœur, je m’en plaignais souvent auprès de mon frère. Je n’imaginais pas que j’en aurais une un jour !, j’arrive à sourire, très légèrement.