YOON JI || Glory never came easy

Dear Little Me

J'avais une amie, autrefois. Une phrase que tu n'as jamais prononcée à voix haute, pour ne pas la rendre plus réelle qu'elle ne l'est déjà. Elle tourne, tourne et tourne encore dans ta tête, parfois, quand tu te sens seule, toi la Mighty Slytherin, assise sur ton trône de verre au milieu des autres Vert et Argent.

On pourrait croire qu'en bonne Serpentard que tu es, en fière Sang Pur, tu t'en ficherais d'avoir des amis. C'est un précepte connu : soit proche de tes amis, mais plus encore de tes ennemis. Seulement, tu n'as ni l'un ni l'autre. Enfin, des ennemis, tu dois certainement en avoir, mais à votre stade, celui d'étudiants, ça ne signifie vraiment rien. Alors, forcément, tes détracteurs/camarades de classe, tu les calcules à peine.

Tradition oblige, tu as été scolarisée à la maison jusqu'à tes onze ans, jusqu'au moment de faire ton entrée dans le monde des sorciers, la baguette à la main, le menton fièrement relevé. Qui dit scolarisation at home dit également... pas grande compagnie. Certes, il t'arrivait d'accompagner tes parents en sortie mondaine, mais clairement c'était pas l'éclate. L'étiquette, l'apparence, tout ça... juste un ramassis de conneries auxquelles vous vous pliez sans rechigner mais qui vous étouffent et vous empêchent d'établir de véritables liens avec les autres.

Puis il y a eu cette soirée... le genre de soirée que les autres familles au sang pur n'approuveraient pas, parce que c'est une soirée cosy, où ta maman se met aux fourneaux, où l'on invite des gens sans rang ni fortune... une famille sang-mêlé, tout juste arrivée dans le voisinage. On te présente leur fille, d'un an ton aînée. Eun Jae, elle s'appelle. Elle ne parle pas, mais elle a l'air gentille. Elle ne parle pas, Eun Jae, et c'est dommage. Parce que tu es polie, tu ne poses pas la question à ses parents. A-t-elle eu un accident ? Est-elle née ainsi ? Sait-elle parler, ou bien n'en ressent-elle pas le besoin ? Ces questions tournent, tournent, et tournent encore, mais ne franchissent jamais le barrage de tes lèvres. Tu parles pour elle, pour combler le silence. Tu lui montres ta chambre, ta collection de mini flacons aux formes rigolotes dans lesquels tu compte bien mettre des potions quand tu apprendras à en faire. Dans celui-ci, il y aura du Felix Felicis. Dans celui-là, de l'Amortensia. Tu n'es qu'une enfant, mais tu as déjà des bézoards au fond de tes poches.

Vous jouez beaucoup, Eun Jae et toi. Vous allez au parc, grimpez sur les balançoires en laissant vos pieds traîner dans l'herbe, tâcher de boue et de traces vertes tes chaussettes d'un blanc immaculé. Rien qu'un petit sort ménager ne saurait récurer.
Tu joues, tu ris, tu t'amuses. Tu ne vois pas la voiture arriver, tu as trop l'habitude des véhicules sorciers, qui peuvent se compresser pour vous éviter. Un cri déchire l'air, et tu te figes, à quelques centimètres à peine du bord du trottoir, à quelques centimètres à peine d'un accident douloureux, probablement mortel. Tu te retournes, et tu souris. « Elle est jolie, ta voix ! » Alors elle t'a raconté. Elle t'a tout expliqué. Son bégaiement, sa peur des autres. Tu la rassures, tu lui dit qu'elle a la plus jolie voix que tu aies jamais entendu. Ce n'est pas faux, puisque tu ne fréquentes quasiment qu'elle.
Ce moment a scellé votre amitié.
Pour un temps, du moins.

Onze ans. Ta baguette à la main, ta valise à tes pieds, tu viens de faire ton entrée à Mahoutokoro, où tu ne resteras qu'un an. C'est une bonne école, mais tu ne t'y sens pas à ta place. En prévision de ta scolarité là-bas, tu as appris le japonais depuis toute petite, mais ça ne suffit pas pour te fondre dans la masse.

Alors, à douze ans, tu foules enfin le sol dallé de la Grande Salle de Poudlard, Korean Edition. Eun Jae aussi est là, et tu lui souris. Tu sais très bien dans quelle maison tu iras, il n'y a pas de grande surprise à cela. Le mystère, ça reste Eun Jae. Tu dois avouer que tu es un peu déçue quand le Choixpeau la déclare Gryffondor. En Écosse, Gryffondor et Serpentard se font ouvertement la guerre. Ici ? Tu ne sais pas, mais ça doit probablement être pareil. Après tout, c'est de Serpentard que sortent les plus terribles mages noirs, tout le monde sait ça. Ceci dit, Gryffi, Serpy, quel ennui ! Tu ne renieras pas ton amie parce que vos Maisons se tapent dessus.

Tu n'avais pas prévu que ce serait elle qui te rejetterait.
Du jour au lendemain, au lendemain même de votre répartition, elle a commencé à t'éviter, à ne plus vouloir te parler. La faute à quoi ? Tu ne sais pas. Tu n'as pas creusé, trop blessée, en vérité. Il y a bien eu des moments où tu es parvenue à la coincer, la petite renarde', à la prendre à part, loin des regards. A-t-elle seulement esquissé la moindre explication ? Non, nada. Tout ce que tu as su lui soutirer, c'était que tu étais un danger. Alors tu as ri, tu as ri comme tu n'avais jamais ri. Un rire froid, implacable. Tu l'as plantée là, tu as tourné les talons. Un danger. Parce que tu en savais autant sur elle ? Parce que tu étais une sang pure, un Serpentard, tout ce qu'elle n'était pas ? La vérité, c'est que ses mots t'avaient blessée plus encore que ses silences.

Elle voulait que tu joues la méchante ? Tu allais le faire avec plaisir. Loin d'être une cruelle harceleuse, tu as démarré un jeu mesquin du chat et de la souris. À toute occasion tu lui rappelles que tu en sais un rayon sur elle, que tu pourrais briser sa petite tour de popularité. Tu ne prends aps de réel plaisir à la tourmenter ainsi, mais si c'est là les seules interactions que tu auras avec ton ancienne amie, alors soit, tu seras la plus serpentarde de tous les Serpentard.

On ne tient pas à distance Kim Yoon Ji sans une raison valable, que ce soit dit.